Ambitions et contributions de trois passionnés à la conquête de l’espace de nos jours
Article rédigé par Marine Laplace, stagiaire en médiation scientifique au Laboratoire Interuniversitaire des Systèmes Atmosphériques
Ce jeudi 14 avril 2022, à la Maison de l’Innovation et de l’Entrepreneuriat Étudiant de l’UPEC, trois spécialistes nous ont exposé les projets sur lesquels ils travaillent ou ont été amenés à travailler dans le cadre de l’exploration du Système solaire au XXIème siècle. Il s’agit de Hervé Cottin, professeur des universités en astrochimie et chercheur au Laboratoire Interuniversitaire des Systèmes Atmosphériques (LISA), Lisa Viallon, ingénieure mécanique en instrumentation spatiale au LISA au cours de ces dernières années et désormais ingénieure chez Sirius Space Services, et enfin Maëva Millan, chargée de recherche au CNRS en exobiologie dans le Laboratoire Atmosphères, Observations Spatiales (LATMOS).
Bien que les États-Unis occupent depuis longtemps la première place dans l’investissement spatial avec plus de 54 milliards de dollars de dépenses publiques en 2021, la France est un acteur important dans le monde avec près de 4 milliards de dollars d’investissements par an. La France est également le principal pays contributeur au budget de l’ESA (Agence Spatiale Européenne).
Hervé Cottin est responsable du Campus Spatial de l’UPEC qui rassemble des étudiants de toutes formations pour la construction de petits satellites à destination de l’espace (les CubeSats). Le campus spatial travaille en partenariat avec le Centre National d’Études Spatiales (CNES), le Cape Peninsula University of Technology en Afrique du Sud (CPUT) et le Virginia Space Grant Consortium aux Etats-Unis. Parmi les CubeSats en fabrication, il y a par exemple le projet OGMS-SA dont le but est de mesurer des doses de rayonnements de haute énergie en orbite et de tester des modes de programmation de logiciel pour le pilotage, avec un lancement espéré en 2023 ou 2024. L’UPEC est impliquée dans le spatial, en particulier dans le domaine de l’astrochimie : le LISA transforme des instruments d’analyse chimique classiques de laboratoire de manière qu’ils puissent être embarqués dans l’espace pour y faire des analyses chimiques. C’est le cas par exemple de l’atterrisseur Philae qui s’est posé sur la comète 67P Chiryumov-Gerasimenko lors de la mission Rosetta et de Curiosity dont le chromatographe en phase gazeuse a été fabriqué et intégré grâce au LISA et au LATMOS. Le LISA fabrique en ce moment même un dispositif appelé IR-COASTER (InfraRed-Cubic Orbital Astrobiology Exposure Research) à destination de la Station Spatiale Internationale (ISS) avec pour mission d’exposer des molécules organiques aux rayonnements ultra-violets solaires et d’évaluer leur dégradation, à l’aide d’un spectromètre infrarouge intégré.
Ce beau projet implique grandement Lisa Viallon, responsable de la partie mécanique de l’instrument : design mécanique, simulation numérique, tests, fabrication, etc… Ce sont des connaissances qu’elle a acquises grâce à sa formation en école d’ingénieurs en mécanique au cours de laquelle elle a pu se former à la conception et à la modélisation de systèmes mécaniques, suivie d’un Master en dynamique des structures et des systèmes afin de se spécialiser dans les calculs mécaniques.
Au cours d’un stage au Centre Spatial Universitaire de Montpellier, elle a travaillé sur le CubeSat 3U Robusta 3A, un nanosatellite ayant pour missions d’une part d’augmenter la précision de la prédiction de prévisions météorologiques et d’autre part, de procurer un moyen de communication entre des écoles du Burkina-Faso situées dans des zones sans réseau avec des écoles en France. Au sein de sa nouvelle équipe chez Sirius Space Services, elle participe au développement d’un système de récupération par parachute pour une gamme de lanceurs durables utilisés pour le lancement de petits satellites. Les rôles de Lisa Viallon sont notamment de dimensionner les lignes de suspension afin de s’assurer que le parachute ne casse pas lors de la descente du lanceur, ainsi que les systèmes d’amortissement et de définir les interfaces lanceurs, c’est-à-dire la manière dont le parachute est rattaché au lanceur.
L’ingénierie est un domaine très large qui offre des possibilités de travail pour des applications dans de nombreux domaines. Comme Lisa l’énonce au cours de cette conférence : « L’exploration spatiale est très présente aujourd’hui. On est toujours en quête d’élargir nos connaissances sur l’Univers et on veut rendre l’espace accessible de plus en plus. C’est un domaine où il y aura toujours de nouvelles missions, de nouveaux projets et de nouvelles choses à découvrir et à réaliser. »
La plupart des techniques d’analyses chimiques utilisées pour étudier la matière organique dans les environnements extraterrestres sont basées sur des traitements thermiques et chimiques des échantillons permettant d’extraire la matière organique, couplées à des méthodes de séparation (chromatographie en phase gazeuse) et d’identification des composés (spectrométrie de masse). Ces techniques sont intégrées dans des instruments déjà dans l’espace ou en projet pour de futures missions spatiales. C’est ce que nous a expliqué Maëva Millan, qui intervient dans plusieurs projets spatiaux :
C’est le cas de l’expérience SAM (Sample Analysis at Mars), intégrée au cœur du robot Curiosity qui a atterri sur Mars en 2012, dont l’objectif est de déterminer la composition du sol martien et de rechercher un environnement potentiellement favorable à l’émergence de la vie sur la planète rouge. L’expérience a bien détecté des composés organiques, sur un site où l’eau était présente à l’état liquide dans le passé, tels que des composés chlorés, soufrés et des hydrocarbures. Mars était alors bien habitable dans le passé, mais pas forcément habitée !
La mission ExoMars aurait été un complément crucial aux mesures de Curiosity encore restreintes à la surface de la planète. Dès 2023, le rover Rosalind Franklin de la mission ExoMars aurait permis d’extraire des échantillons jusqu’à 2 mètres de profondeur où les molécules organiques fossiles pourraient être protégées des conditions hostiles de l’atmosphère martienne et attester de la présence d’une vie dans le passé. Cependant, ce projet a dû être reporté à cause des évènements en Ukraine. L’instrument MOMA (Mars Organic Molecule Analyzer) à bord du robot Rosalind Franklin contenant un chromatographe en phase gazeuse, est issu d’une collaboration entre le LISA, le LATMOS et la NASA, comme l’est l’instrument EMILI qui analysera peut-être un jour la surface d’Europe, satellite de Jupiter, que l’on soupçonne d’abriter un « monde océan » sous sa surface.
Enfin, Dragonfly, dont le lancement est prévu en 2027 pour un atterrissage en 2034 sur Titan, pourrait nous rapporter des informations précieuses sur la potentielle chimie prébiotique de ce satellite de Saturne grâce à une technologie très innovante impliquant plusieurs instruments et des analyseurs chimiques à bord d’un octocoptère pouvant se déplacer à sa surface.
Au cours de son post-doctorat aux Etats-Unis, Maëva Millan a eu l’occasion de prélever des échantillons sur des sites du globe aux conditions extrêmes et difficiles d’accès. L’objectif est de chercher des environnements terrestres qui se rapprochent le plus de conditions extraterrestres observées sur des objets du système solaire tels que la texture, la morphologie ou encore la minéralogie. C’est ce qu’elle appelle l’étude d’analogues, qui est cruciale pour connaître les environnements les plus propices à la recherche de traces de vie et de chimie prébiotique sur Mars, ou de mondes océans, mais aussi pour préparer et interpréter les analyses des futures missions spatiales.
En conclusion, l’exploration du système solaire requiert des technologies de plus en plus innovantes au fil du temps, ce qui demande la participation de différents centres de recherches dans le monde et de plusieurs spécialistes comme Hervé, Lisa et Maëva, qui par leur passion et leur ténacité jouent chacun un rôle dans l’avancée de ces recherches fascinantes.
La table ronde a été enregistrée et peut être visionnée ici.
Une réponse
Bravo pour cet article clair, précis et complet !